Présence et relation à l’autre : deux fondamentaux des métiers du conseil et des conférences, aujourd’hui fortement ébranlés par la crise du Covid-19. Nous avons rencontré Laetitia Lombard, fondatrice de Mana stratégie, spécialisée dans l’organisation et la transformation, et Fréderic Perodeau, fondateur de 5.5 retail et conférencier, pour comprendre comment ils s’ajustent à la situation.
Passer du réactif au proactif
Alors que les habitudes, les rituels et les rendez-vous sont bousculés, la routine des consultants et conférenciers qui par définition se déplacent, en entreprise ou encore devant un parterre d’intéressés, est forcée de se réadapter. « J’ai beaucoup travaillé avec mes clients les 10 premiers jours. A l’habitude, soit je suis chez le client, soit depuis mon bureau à domicile. Mes rendez-vous ont tous été annulés ou décalés. Dans ma manière de travailler, je me suis positionnée comme une partenaire. Je suis à l’habitude sur des accompagnements longs, de six mois au minimum. Donc je suis déjà ancrée. Aujourd’hui, on travaille plus les sujets de fond sur lesquels nous n’avions pas eu le temps de travailler. Sur la stratégie par exemple. Nous sommes plus dans une pensée proactive que réactive », confie Laetitia Lombard.
Une situation équivalente pour Frédéric Perodeau. « Je prépare la suite, puisque beaucoup des interventions ont été retardées. Cela me permet de prendre de l’avance dans mon travail, dans mes présentations, que j’ai l’habitude de finir dans les avions. Ce temps me sert également à faire du contact et de la prospection, des choses que je n’avais pas vraiment le temps de faire. Et puis, les gens, après la période de mise en place, sont un peu plus à l’écoute et réceptifs. Et je développe de nouvelles formes de travail. »
De nouvelles relations pour composer avec l’humain
Prendre le temps et repenser les relations. Considérer l’autre. Sans oublier de voir les nouvelles alternatives relationnelles et marchandes. Ce n’est pas un pari sur l’avenir mais un constat pour ces deux professionnels. « Les dirigeants que j’accompagne ont beaucoup de choses à traiter, notamment sur les aspects légaux de l’organisation, le chômage partiel, les normes de sécurité, l’hygiène. Ils ont d’abord besoin d’être rassurés. Ils sont au premier palier de la pyramide de Maslow. Ils se concentrent sur le vital. Je leur ai conseillé de prendre le temps, que l’on reprendrait réellement le travail une fois les habitudes prises et l’urgence passée. Une situation qui préoccupe Laetitia Lombard, avant d’ajouter : il ne faut pas oublier que beaucoup ont aussi des enfants et une famille à gérer en plus du télétravail. Ils savent aujourd’hui qu’ils peuvent m’appeler s’ils ont besoin. Pour libérer la parole et se décharger niveau émotionnel. C’est à cet instant que j’enfile ma veste de coach. »
En prenant de la hauteur sur le marché et le développement de nouvelles relations, Frédéric Perodeau voit sous un autre prisme l’avenir de son secteur de prédilection, le retail. Sa réflexion rejoint celle de Laetitia Lombard : la composante humaine, déjà essentielle, se renforcera encore.
L’humain. « Nous allons miser sur les circuits courts, et sur le local. Toutefois, deux points restent à améliorer aujourd’hui : les problématiques de commandes, un peu empiriques encore car la plupart du temps elles s’effectuent uniquement par téléphone et le paiement : il faut vite mettre en place une possibilité de paiement en ligne. Rien de très compliqué si on compare à tout ce qui a déjà été fait en quelques jours. »
Alors où se dirige concrètement le retail ? « Il y a deux impacts majeurs pour le retail « classique » : la vraie proximité n’est réellement applicable qu’en zone « rurale ». C’est la suite logique de tout le travail fait par les enseignes de proximité dans les centres-villes. Ces circuits courts qui avaient été négligés par la distribution jusque-là, vont se révéler être de vrais concurrents pérennes, locaux, adaptables et jouissant d’une image sympathique, qu’on a envie d’aider. »
Développer de nouvelles formes de travail
Le confinement impose aux télétravailleurs de réfléchir à de nouvelles formes de travail. En l’occurrence lorsqu’ils sont indépendants. Aujourd’hui, les outils numériques explosent. C’est notamment le cas de Zoom, qui héberge de plus en plus de conférences à distance. Une aubaine pour les conférenciers, comme Frédéric Perodeau : « Je développe de nouvelles formes de travail. Pour les conférences, ce sont plus de nouvelles formes de rencontres, de sommets. Je me forme à la conférence en ligne par exemple, que je n’avais pas envisagé avant. Car le moment où nous pourrons réunir 200 personnes dans une salle n’est pas en vue. Mon avis est que l’on utilisera beaucoup plus le numérique qu’avant. Nous réduirons les voyages. »
Deux métiers, une vision. Laetitia Lombard rejoint volontiers cette idée : « Dans le futur, je sais que j’encouragerai le fait de travailler à distance. Les relations à distance ne sont pas les mêmes, donc évidemment nous continuerons à nous voir, mais de manière plus qualitative. L’important est l’humain. Aujourd’hui le confinement confirme la stratégie que je souhaitais adopter : pousser la communication digitale, notamment via des webinars. »
Mais qu’en est-il de « l’après » ?
« Il y a une question qui se pose sur le monde du travail d’après. Tout le monde prendra-t-il le temps de se poser des questions, ou reprendra-t-on les mêmes mécanismes ? Va-t-on produire encore plus pour rattraper le manque à gagner ? Je suis plus inquiète, pour mes clients et pour les travailleurs en général, de l’épuisement au travail à venir », conclut la consultante.
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