CROSS : Vous défendez l’idée que les études shopper sont indispensables pour nourrir la réflexion merchandising. Pourquoi ?

Julie Hermann : Aujourd’hui, la plupart des grands industriels ont une bonne connaissance de leurs consommateurs. En revanche, ils ne savent pas toujours comment et pourquoi leurs produits sont choisis en point de vente (c’est là la différence fondamentale entre shopper– celui qui achète – et consommateurs – celui qui le consomme).

Les choix des shoppers en magasin ne sont pas toujours évidents à capter et à comprendre. C’est la raison pour laquelle il est indispensable de les interroger et observer leur comportement in situ, directement sur le point de vente pendant leurs courses, pour évaluer les leviers et freins à l’achat. C’est à ce moment-là que l’on peut obtenir une photographie précise de leurs perceptions. A l’inverse, de bonnes études shopper ne peuvent pas être basées sur du déclaratif post-visite car, une fois sorti du magasin, le shopper ne se souvient plus exactement de son expérience.

Laurent Yvart : De bonnes études shopper doivent permettre d’identifier et d’analyser l’expérience shoppers sur le point de vente, au moment et dans l’espace où il interagit avec l’offre de produits ou de services. C’est peut-être une lapalissade, mais une étude shopper se déroule sur le point de vente physique en accompagnant des shoppers ! C’est le seul moyen efficace d’accéder aux clés de compréhension des comportements des shoppers et de résoudre une problématique merchandising, qu’aucune étude de type Big Data ne peut remplacer. Il en résulte d’ailleurs, que la qualité du recrutement des shoppers, du terrain et les compétences d’observation et d’analyse des intervenants sont essentielles à la réussite de l’étude.

Il ne faut pas oublier que le point de vente n’est pas qu’un lieu de distribution, c’est aussi un lieu d’initiation à la culture du produit et de la marque et un lieu de participation expérientielle dans lequel il est nécessaire de mobiliser toutes les dimensions visuelles, sensorielles et spatiales pour mettre en scène le produit.

Néanmoins, le parcours client débute bien avant la fréquentation du point de vente et s’achève bien après. Des études shopper doivent donc également permettre de comprendre et de modéliser l’ensemble des parcours clients depuis l’amont de la fréquentation du point de vente, jusqu’à l’aval de ce parcours (dans la phase post-achat).

CROSS : Qu’est-ce que ce type d’études shopper permet de mettre en lumière ?

Julie Hermann : De bonnes études shopper permettent à la fois de mettre à plat le mix retail (image et positionnement de l’enseigne), le mix marketing (visibilité, clarté de l’assortiment, ainsi que sa pertinence entre marques nationales et marques distributeur) et de vérifier l’agencement, le séquençage et la théâtralisation de l’offre. Sur ce dernier point, on vérifie que le merchandising est bien cohérent avec l’univers produit et l’enseigne. On peut également mesurer si l’espace concerné génère de l’envie ou non (A-t-on envie d’y rentrer ? D’y faire ses courses ?). Est-ce que la mise en scène de l’offre attire et génère de l’exploration ? Y a-t-il une marge pour permettre une montée en gamme ? Est-ce que l’offre génère de la fidélité, ou pas ?

Laurent Yvart : Les itinéraires des choix individuels sont complexes ; il s’agit à la fois d’identifier en amont, les besoins réels et les attentes des clients, de comprendre le parcours d’achat sur le point de vente et de cerner les éléments qui vont le fluidifier, l’enchanter ou au contraire, introduire des ruptures et de la déception, et enfin, en aval, de vérifier que l’efficacité du dispositif merchandising.

CROSS : Comment se passe un accompagnement shopper in situ?

Julie Hermann : Notre méthode consiste à soumettre une mission d’achat réelle à des personnes qui sont pré-recrutées selon des critères définis avec le client. Il peut s’agir de profils « cœur de cible », de prospects ou bien encore d’« abandonnistes », c’est-à-dire des personnes qui ont cessé d’acheter une marque ou un produit. On donne rendez-vous à l’accueil d’un magasinet la personne commente tout son parcours depuis l’allée pénétrante du magasin. Et ensuite on va revenir sur tous les éléments du merchandising.

On peut aussi réaliser une partie de l’étude en dehors du magasin. Dans un café par exemple, pour leur demander comment ils préparent leur parcours. Est ce qu’ils se renseignent au préalable ? Sur quels sites ? Quels influenceurs ? Retours d’expérience des utilisateurs ?

CROSS : Justement, comment ont évolué les parcours d’achats ces dernières années ?

Laurent Yvart : Les comportements d’achat et le rapport aux marques ont singulièrement muté ; internet, le smartphone et les technologies digitales dans leur ensemble, initient un nouveau rapport au point de vente, aux marques et aux enseignes, et influencent profondément les comportements d’achat. L’omnicanalité et la digitalisation sont des enjeux majeurs du merchandising sur toutes les dimensions du point de vente (informations et aides au choix, théâtralisation, design, fidélisation, logistique…).

Pour ma part, j’estime que ces évolutions sont de formidables opportunités pour les marques et les enseignes de repenser le statut du point de vente comme lieu expérientiel et relationnel essentiel dans l’ensemble du parcours client. Dans la problématique globale du « clienteling », il s’agit de bâtir une stratégie spécifique de « shopperteling » !

CROSS : Quel a été l’impact de ces évolutions sur vos métiers ?

Laurent Yvart : Elles ont, bien entendu, des impacts très différents en fonction des profils de shoppers et des univers de produits. Mais, au final, elles introduisent des évolutions sensibles sur les parcours de choix, d’achat et de fidélisation des shoppers « connectés » (Web to store, Web in store, store to web, showrooming…) qu’il faut appréhender dans les études.

Pour prendre en compte ces évolutions, nous utilisons de nouvelles techniques comme la cartographie de la customer experience. Ou encore la mise en place en place de forums online en amont des entretiens accompagnés sur le point de vente. Afin notamment, de recueillir de manière très bien documentée, les pratiques web dans leur parcours client.

CROSS : Qu’est-ce que la technologie a apporté de nouveau dans vos métiers ?

Laurent Yvart : Avec les nouvelles technologies nous disposons de nouveaux outils d’investigation (le eye-tracking, l’observation des parcours shopper par caméra, les parcours UX, l’analyses des posts sur le web…) qui sont complémentaires et enrichissent les techniques d’entretien accompagné.

Julie Hermann : Je suis pour ma part plutôt critique du phénomène de digitalisation du point de vente. A mon sens, il y a très peu d’exemples très opérationnels. Souvent, lorsque l’on essaie de faire réagir les gens à partir d’outils comme des tablettes, on se rend compte que c’est très peu confortable !mentaux. Une stratégie merchandising pragmatique et bien expliquée au personnel de vente.

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